Les additifs alimentaires : nuisibles, mais surtout inutiles
J’aime bien les vol-au-vent au poulet, préparer la garniture en sauce est rapide. Mais faire une pâte feuilletée, ce n’est pas de la tarte ! Acheter des vol-au-vent en épicerie sauve du temps, et en plus, ça semble sain : « préparés au Québec » et « source d’oméga 3 » ! Je suis vraiment tenté… Je retourne le contenant de plastique pour m’informer de la valeur nutritive : pas trop de sodium et quantité de calories acceptable. Puis, je consulte la liste des ingrédients. Mais là, ce qui semblait sorti d’un livre de cuisine vieille France s’avère être une expérience chimique redoutable.
Les cuisines industrielles mettent en marché des aliments qui doivent plaire au plus grand nombre, et ce, au moindre cout, tout en tenant compte de la compétition. Ces aliments doivent survivre sur les tablettes de nos épiceries parfois des mois, c’est pourquoi les fabricants se préoccupent de l’allure, de la texture, du gout, de la couleur et de la durée de vie « sur une tablette » des aliments. Pour ce faire, ils utilisent entre autres des additifs alimentaires. Au détriment de notre santé ?
Suivi d’un cas de A @ Z
Jean Lefebvre, un ami de longue date, a constaté qu’on utilisait de la tartrazine dans des vol-au-vent de marque St-Hubert vendus en épicerie (voir photo). Il a donc réagi en écrivant au producteur afin d’en connaitre la raison. Je vous propose de suivre cette investigation dans le monde des additifs alimentaires à travers un échange de courriels.
1 De : Jean Lefebvre À : Service Experience Client, 20 octobre 2015
(Message via un formulaire en ligne)
Pourquoi utilisez-vous de la tartrazine dans la production du feuilletée de vol-au-vent ? Pour la couleur ? Mais voyons donc, cette belle couleur sera obtenue lorsque nous grillerons le vol-au-vent dans le four, il n’est pas nécessaire de colorer votre pâte.
L’emploi de cet additif est de plus en plus controversé et nullement nécessaire à la qualité de votre produit. Il existe des solutions de rechange moins dommageables pour la santé pour parvenir au même résultat. Par exemple, d’autres pâtissiers n’utilisent pas cet additif cancérigène et allergène sans pour autant produire un vol-au-vent dont l’apparence laisse à désirer !
Éliminez ces additifs non nécessaires et optez pour des solutions plus naturelles lorsqu’elles existent.
La prochaine fois je lirai mieux les étiquettes. À compter de maintenant, je ne consommerai plus de vos vol-au-vent à la tartrazine. Dommage car j’aimais bien ce produit.
2 De: Isabelle Roumain du Service clients chez Meilleures Marques du Groupe St-Hubert À : Jean Lefebvre, 26 octobre 2015
L’assurance qualité m’informe que la Tartrazine est approuvé par Santé Canada. Vos commentaires sont pris en note et nous les conservons pour amélioration de nos produits si cela s’avère nécessaire.
3 De : Jean Lefebvre À : Isabelle Roumain, 26 octobre 2015
Voici deux extraits disponibles sur deux sites différents dont je vous ai noté les références. Le second est celui de Santé-Canada.
La question sous-jacente n’est pas de se demander si Santé-Canada approuve son utilisation ou non, mais plutôt si cela est vraiment nécessaire d’ajouter des produits synthétiques dans un aliment ? L’Autriche et la Norvège sont deux pays qui ont banni la tartrazine car ils le jugent dangereux.
D’autant plus que dans le cas présent, il ne s’agit pas d’utiliser la tartrazine pour assurer une protection sanitaire ou une meilleure conservation de l’aliment mais uniquement pour colorer. Et encore ! Le vol-au-vent sans cet additif colorant est aussi attrayant et se vendrait aussi bien. Le principe de précaution devrait toujours prévaloir, surtout en alimentation. De plus, son élimination abaisserait le cout de fabrication, une situation gagnante-gagnante ne trouvez-vous pas ?
Extrait n° 1
http://www.food-detektiv.de/e_nummer_ausgabe.php?id=13&volvox_locale=fr_FR
Les compagnies alimentaires continuent d’utiliser la tartrazine principalement à cause de son faible cout, alors qu’il existe des alternatives de coloration naturelle, comme par exemple la bêta-carotène, mais celle-ci demeure malheureusement un choix encore trop couteux. Dommage, elle ne sert en fait qu’à donner de la couleur….mais au fait… le jaune…ça ne veut pas dire de faire attention?
Extrait n° 2
http://www.hc-sc.gc.ca/fn-an/consult/_feb2010-food-aliments-col/draft-ebauche-fra.php
En plus des rapports sur les réactions allergiques, une équipe composée de psychologues et de pédiatres du Royaume-Uni a récemment fait état dans la revue Lancet (McCann, D. et al., 3 novembre 2007) d’un lien éventuel entre l’ingestion de mélanges de certains additifs alimentaires et l’hyperactivité chez les écoliers. Malgré l’absence d’un consensus à l’égard des conclusions tirées de cette étude, la UK Food Standards Agency a proposé que les fabricants retirent volontairement les colorants suivants : le jaune soleil FCF, le jaune de quinoléine, la carmoisine, le rouge allura, la tartrazine et le ponceau 4 R des formules des aliments et des boissons (l’utilisation du jaune quinoléine, de la carmoisine et du ponceau 4 R n’est pas permise au Canada).
Extrait n° 3
http://newsactivist.com/fr/node/2568
Note : La tartrazine est connue aussi sous le E102 ou le Yellow5.
Personally, I think that the people’s good health is more important. Even if it only affects a small part of the population, I do not believe that they should suffer from the use of E102 only for another small part to make more money out of it. Most people are not aware of the potential dangers of consuming tartrazine and I do not think that it is morally correct to expose them to such important dangers. In my opinion, people should not take this lightly, and they should change their mentality in order to be more conscientious of the products they use. The banning of yellow #5 in Norway and Austria some years ago shows that this chemical is a very serious subject of matter and that it is possible to live in our modern world without it. I am wondering why we should keep poisoning ourselves…
4 De : Jean Lefebvre À : Isabelle Roumain, 10 décembre 2015
Vous aviez transmis ce dossier à un autre département qui aurait du communiquer avec moi. Je n’ai pas encore reçu de courriel de leur part. Qu’en est-il du suivi de ce dossier auprès de ce département ?
5 De : Isabelle Roumain À : Jean Lefebvre, 15 décembre 2015
J’attends plus d’information à ce sujet. Je vous transmets le tout quand les informations me seront envoyées.
6 De : Isabelle Roumain À : Jean Lefebvre, 17 décembre 2015
Pour vous revenir au sujet de la Tartrazine, on me mentionne que vers la fin janvier nous aurons une position santé responsable pour la marque St-Hubert. Nous ne disons pas qu’elle sera éliminée de tous nos produits mais on vise une amélioration sur nos produits. Ceci touche principalement une philosophie d’entreprise vers laquelle nous devrons nous diriger dans le futur.
7 De : Jean Lefebvre À : Isabelle Roumain, 17 décembre 2015
C’est tout à votre honneur. Et dans la bonne direction.
Le comité doit se demander si les additifs chimiques peuvent être éliminés des recettes, leur quantité nettement diminuée ou s’ils peuvent être remplacés par des équivalents naturels.
De fait, la présence de petite quantité d’additifs chimiques n’est pas toxique en soi pour la consommation du produit. Mais la consommation régulière et abondante de ces produits l’est.
Dans le contexte actuel, chaque geste compte.
8 De : Jean Lefebvre À : Isabelle Roumain, 11 mars 2016
La présente est pour faire le suivi concernant l’utilisation de la tartrazine dans les recettes de vol-au-vent St-Hubert.
Vous me mentionniez lors de notre dernier courriel que la politique sur une position santé responsable pour la marque St-Hubert concernant l’ajout d’additifs chimiques serait disponible fin janvier 2016.
Maintenant que nous sommes rendus à la mi-mars, qu’est est-il devenu au juste de cette politique ?
9 De : Isabelle Roumain À : Jean Lefebvre, 18 mars 2016
Nous sommes en processus de changement. Ceci sera un long processus mais nous maintenons notre vision sur une position santé responsable. Certains produits vont passer avant les vol-au-vent. Pour le moment, rien n’a été entrepris pour ce produit.
Que faire ?
Malgré les échanges courtois, rien n’est fait. Et sans doute, les vol-au-vent sont bien légers et pèsent peu dans la vente de l’entreprise de monsieur Léger (sic) pour plus d’un demi-milliard de dollars canadiens, vente annoncée douze jours après un dernier courriel.
Il reste que :
- il y a plusieurs groupes d’additifs… Les acidifiants, les antioxydants, les colorants, les conservateurs, les épaississants, les correcteurs d’acidité, les exhausteurs de goût, les agents d’expansion, les agents d’enrobage ou les édulcorants. OUF ! Se rappeler que dans cet article, nous n’avons considéré que le cas d’un colorant et que d’un seul ;
- une même substance peut avoir deux fonctions : ainsi, l’acide citrique peut être utilisée comme antioxydant et acidifiant ;
- les additifs alimentaires ne font pas partie des recettes traditionnelles. Lorsque nous cuisinons nous-mêmes, nous n’utilisons pas ces produits. Ils sont là pour « améliorer le goût », la présentation ou la couleur de la nourriture et à la conserver le plus longtemps possible. Par exemple, on veut que les morceaux de fruits dans les yogourts restent en suspension de manière stable, afin qu’ils ne se retrouvent pas tous au fond. On ajoute un additif, alors qu’on pourrait bien donner trois petits coups de cuillère et s’en passer !
- c’est au moyen d’expériences sur les animaux qu’on calcule les quantités admissibles, mais cela se fait sans tenir compte des personnes allergiques, pour qui des quantités minimes peuvent être nocives. On a également démontré que dans des cas isolés, des enfants ont dépassé par 12 fois les quantités admissibles ;
- nous devons apprendre à lire les étiquettes de mets produits industriellement et la base de données des additifs alimentaires du Dr. Watson nous donne un bon coup de main ici. Le «E» suivi d’un numéro est l’identifiant européen d’un additif qu’on peut retrouver sur le site du Dr Watson.
( Tiré d’une page du site Dr.Watson Der Food Detektiv résumée, site en français à consulter)
Avouons qu’il est parfois difficile de lire les étiquettes. Voici un bon exemple de stratégie qu’emploie les industriels pour camoufler la quantité de sucre que contiennent leurs produits. En effet, ils cachent le sucre sous diverses appellations : sucre, glucose, fructose, cassonade, sucre brun, sucre doré, sucre biologique, sirop de maïs, jus de canne biologique évaporé (sic). De plus, ainsi réparti sous différentes formes, le sucre semble moins important dans la liste des ingrédients. Heureusement que dans ce cas précis, les choses vont changer au Canada, car les industriels devront présenter tous les ingrédients sucrants regroupés et listés après le mot « sucres » comme ceci : sucres (sucre doré, fructose, glucose, sirop de maïs). Un autre pas dans la bonne direction.
Retour aux colorants : leur quantité peut être vraiment faible, bien sûr. Mais les colorants sont absolument partout, pas juste dans les M&M en France, ils sont aussi là où on ne les attend pas : dans le pain, le poisson fumé, la charcuterie, les cornichons, les croûtes de fromage, les fruits en sirop ! Donc les doses se cumulent et les scientifiques sont dépassés par l’effet « cocktail ». Voilà pourquoi il vaut mieux éviter les additifs par précaution. Pour en savoir plus .
Il reste que nous pouvons échapper à cette panoplie d’additifs chimiques. Il est possible de faire sans. En cuisinant soi-même davantage : en faisant sa vinaigrette qui se conserve au frigo, en cuisinant ses soupes qui se congèlent, en achetant du yogourt nature et en brassant ce qu’on y ajoute soi-même.
Un conseil simple
Rappelons que dans le cas des vol-au-vent St-Hubert, il y a trois additifs : PROPRIONATE DE CALCIUM, TARTRAZINE, ACIDE CITRIQUE, or vous n’utilisez aucun des trois lorsque vous cuisinez à la maison. Le gros bon sens nous dicte de nous abstenir d’acheter un produit si la liste d’ingrédients est trop longue ou qu’on y retrouve des additifs.
Pages d’intérêt
- Dr.Watson Der Food Detektiv – en français, malgré le titre. Cette page du site renseigne sur les différents additifs alimentaires, grâce à une base de données consultable en ligne.
- J’ai un pain qui ne veut pas moisir. Vous prendriez bien un pain frais d’il y a deux mois ? Dans les pages nutrition de La Presse.
- Additifs alimentaires : faut-il s’en méfier ? Sur une page en ligne de Protégez-vous.
- Les colorants alimentaires. Inoffensif ? Un dossier de l’émission Une pilule une petite granule.
- Et puis il y a les produits chimiques qui migrent du contenant à son contenu, mais c’est une toute autre histoire. Pour en savoir plus sur un cas clair : Le Bisphénol A dans les conserves serait dangereux : cancer, infertilité, diabète . La majorité des boites de conserve vendues dans les supermarchés canadiens contiendraient un produit chimique controversé, le bisphénol A (BPA), selon une nouvelle étude menée au Canada et aux États-Unis par six organismes sans but lucratif.
- Et pour terminer, une recette de Ricardo de vol-au-vent « bricolé maison ». Comme quoi le bricolage est toujours de mise au 21e siècle.
Bel exemple d’atermoiement corporatif ! Une conseillère en alimentation suggérait: « Je n’achète jamais un produit transformé qui compte plus de 5 ingrédients. Et si je ne connais pas l’un d’eux, je m’abstiens. » Je trouve que c’est une sage recommandation en cette époque d’empoissonnement collectif.
Merci pour ton commentaire Bernard. J’aime bien la suggestion très simple de cette conseillère en alimentation.