Faire face aux fortes envies et aux dépendances

Oui, nous sommes nombreux à vouloir changer des choses dans notre vie.  Mais ce n’est pas facile. Ainsi, surmonter les dépendances ou les fortes envies peut s’avérer particulièrement difficile.

Les mauvaises habitudes que nous voulons abandonner et les désirs que nous voulons surmonter peuvent s’étendre sur une très large gamme.

En voici une liste non-exhaustive :

    • la dépendance aux drogues, à l’alcool, au tabac ou à la nourriture ;
    • être accroc aux jeux vidéo, à la porno, au jeu de hasard ;
    • l’obsession d’utiliser l’Internet ou notre téléphone intelligent ;
    • compulser dans les achats, tant dans les magasins qu’en ligne ;
    • succomber à tout ce qui est sucré, aux fromages, aux boissons sucrées, aux croustilles, etc. ;
    • nous ronger les ongles ou nous adonner à d’autres manies.

Bien sûr, presque aucun de ces penchants n’est en soi atroce, mais plusieurs d’entre nous aimeraient bien modifier ou abandonner un de ces comportements, peut-être même plus d’un. Mais de forts désirs se dressent sur notre chemin.

Alors, comment faire face à ces désirs et à ces dépendances ? C’est difficile, il faut l’avouer. Or, j‘ai découvert qu’il nous fallait une combinaison de stratégies de pleine conscience et de changement de comportement.

Voyons comment nous pouvons créer une approche à géométrie variable pour faire face à ces désirs et dépendances.

Surfer sur nos fortes envies

Une technique de pleine conscience qui s’est avérée efficace pour lutter contre les dépendances se nomme : « surfer sur nos fortes envies » (“urge surfing”, en  anglais) ; cette technique largement utilisée a été développée par Alan Marlatt, psychologue et pionnier des dépendances.

Je l’ai mise en pratique avec succès lorsque j’ai cessé de fumer la cigarette il y a plus de dix ans; depuis, je l’ai utilisée à plusieurs reprises pour d’autres fortes envies.

Voici comment je la pratique :

    1. Lorsqu’une envie monte en vous, prenez-en conscience : faites une pause, arrêter au lieu d’essayer d’agir sur l’envie [ NdT : penser à l’image au début de cet article ] . Asseyez-vous avec votre envie, tout simplement.
    2. Ensuite, observez où dans votre corps se situe la sensation physique de l’envie. Est-ce dans votre estomac ? Votre poitrine ? Votre bouche ? Un serrement au cou ? Concentrez-vous sur cette zone de votre corps et essayez de prendre conscience des sensations précises que vous ressentez.
    3. Permettez aux sensations de monter et de culminer, de s’élever, puis de se calmer, tout comme une vague. Regardez-les comme si vous regardiez une vague. Au fond, il n’y a pas de quoi paniquer : c’est simplement une sensation de montée, puis de descente. [ NdT : dans le même sens, on m’a déjà mentionné que le désir brulant de fumer ne durait jamais plus de deux minutes. ]

Vous pouvez observer cette sensation pendant une minute ou deux, voire un peu plus. Une fois que l’envie s’est estompée, bien sûr, elle peut très bien revenir et répétez la même pratique d’arrêt, d’observation  tout en entretenant une attitude de curiosité. Vous pouvez aussi passer à d’autres zones de votre corps où vous pourriez ressentir d’autres sensations liées à l’envie qui monte.

Pourquoi est-ce que ça fonctionne. En surfant sur nos envies, nous court-circuitons la zone de notre cerveau qui agit spontanément sous le coup des impulsions et des désirs, et nous passons le contrôle à une autre partie de notre cerveau. Cette interruption du schéma de réponse spontanée est cruciale pour faire face aux impulsions et aux désirs. Nous apprenons également que l’envie n’est pas une vraie urgence, ce n’est pas une commande, mais plutôt juste une sensation surprenante dont nous pouvons nous éloigner. [ NdT : dans mon cas, je pouvais avoir un serrement à la gorge comme si quelqu’un m’étouffait ; lorsque j’en ai pris conscience, j’ai compris que personne n’était en train de m’étouffer et donc que je n’étais pas en danger, que je n’allais pas mourir, même si c’était ce que je ressentais. ]

Modifier notre environnement

Une autre stratégie qui fonctionne incroyablement bien est d’agir non pas sur nous, mais sur votre environnement :

    1. Supprimer les tentations de votre environnement. Quand j’ai voulu changer mon régime, j’ai jeté toute la malbouffe. [ NdT : De la même manière, si c’est pertinent ne gardez pas de haschisch ou d’alcool à la maison, pour accommoder d’hypothétiques visiteurs qui pourraient les apprécier ! ]
    2. Vous retirer de l’environnement tentant. Si vous voulez éviter les tentations, n‘allez pas dans la cuisine de votre bureau. De même, lors d’une fête de bureau, éloignez-vous de la zone G-Â-T-E-A-U.
    3. Modifier les règles de l’environnement pour vous rendre moins susceptible de céder à la tentation. Par exemple, dans un restaurant de hamburgers, j’ai déjà dit à mes enfants que je leur donnerais 20 $ s’ils me voyaient manger une frite. Résultat : je ne mange jamais de frites quand je fais ça.

Si je suis dans la situation où je peux contrôler mon environnement, je trouve que la première option est la meilleure solution ; ainsi, si je vis et que je travaille seul à la maison c’est la situation parfaite pour supprimer certaines tentations. Mais, si je ne peux pas contrôler mon environnement (n°1), j’essaie d’appliquer l’une des deux autres options (n°2 ou n°3).

Pourquoi est-ce que ça fonctionne. S‘il n’y a pas de tentations ou si elles sont plus difficiles à pratiquer, les envies sont alors beaucoup moins fortes. Le fait de voir du gâteau devant vous ou d’être avec des gens qui fument ou qui consomment de la drogue ou de l’alcool vous rend beaucoup plus susceptible d’avoir envie de faire ces activités. [ NdT : Après trois mois sans fumer, je me souviens d’avoir cédé à l’offre d’une cigarette d’un ami. ] Si nous pouvons modifier notre environnement pour qu’il nous soit moins difficile de contourner les tentations, nous aurons des envies moins nombreuses ou des envies bien plus faciles à gérer. [ NdT : avoir un grand plat de fruits frais toujours rempli sur le comptoir de la cuisine va nous aider à faire de meilleurs choix lors des envies de sucre. ]

Nos façons de faire face

Les dépendances sont souvent notre façon de faire face au stress ou à d’autres difficultés. Si nous nous disputons avec notre conjoint, si nous perdons un être cher à cause du cancer ou que le patron nous crie après … nous avons besoin d’un moyen de faire face à ces tensions.

Au fil des ans, nous avons appris à utiliser la dépendance comme mécanisme d’adaptation. Alors aujourd’hui, quand le stress monte, nous ressentons une forte envie de nous abandonner à notre dépendance.

Nous ne pouvons pas tout simplement supprimer la dépendance, car nous aurons alors quand même à faire face au stress. Une solution peut être de mettre quelque chose de plus sain à la place de la mauvaise habitude qui s’est installée en nous pour faire face au stress au quotidien.

Ainsi, lorsque nous essayons de mettre fin à une dépendance et que le stress monte, nous aurons besoin d’un réponse toute nouvelle et plus saine. Lorsque l’envie se fera sentir, nous appliquerons le nouveau mécanisme d’adaptation qui se substituera à l’ancienne habitude.

Voici quelques exemples de nouveaux mécanismes d’adaptation :

      • méditer (par exemple, « surfer sur l’envie », comme je l’ai décrit plus haut, est un bon exemple de méditation) ;
      • marcher ou courir ;
      • pratiquer un nouveau type d’exercice ou de sport ;
      • parler à quelqu’un [ NdT : la thérapie du téléphone ] ;
      • prendre un bain chaud ;
      • déguster un thé, une infusion ;
      • pratiquer le yoga ;
      • me masser (j’aime me masser les épaules et le cou).

Choisissez-en un et essayez de le faire chaque fois que vous êtes stressé. Bientôt, vous aurez une façon plus saine de faire face à l’adversité.

Pourquoi est-ce que ça fonctionne. Si vous mettez en place un autre façon de faire face, vous aurez moins besoin de votre dépendance et, avec le temps, les envies seront moins fortes.

Augmenter notre niveau de bien être au quotidien en ayant recours à un bon sommeil, à du soutien et à une meilleure santé émotionnelle

Lorsque nous sommes fatigués, déprimés ou solitaires… nous n’avons tout simplement pas la volonté, ni la force émotive intérieure pour faire face au stress, aux envies et aux dépendances. Nous cédons aux envies, nous oublions de recourir à une pratique comme l‘envie de surfer, nous oublions de modifier notre environnement ou de créer un nouveau mécanisme d’adaptation. Rien de tout cela ne semble être vraiment important [ NdT : On se dit intérieurement : « Pourquoi résister ? Pourquoi ne pas s’abandonner au désir ? Ah et puis zut ! ».]

C’est pourquoi il nous faut agir sur ce qui est à la base de notre bien-être au quotidien.

    1. Dormez et reposez-vous suffisamment. Faites-en une priorité, sinon rien du reste n’aura d’importance. Éteignez tous les écrans à une heure fixe chaque soir, puis rédigez votre liste de tâches pour le lendemain, [ NdT : dressez la liste de vos gratitudes de la journée qui se termine, ] brossez-vous les dents et passez-vous la soie dentaire, puis méditez en vous endormant.
    2. Obtenez de l’aide. Contactez des amis à qui vous pouvez vous confier ; trouvez un soutien professionnel, sil y a lieu ; trouvez un groupe de soutien local ou en ligne. Appuyez-vous sur les autres et parlez de vos difficultés, et à votre tour, écoutez-les. En créant et en entretenant ce genre de relation, vous vous sentirez bien bien moins isolé.
    3. Prenez soin de vos sentiments de dépression, de solitude, de tristesse. Trouver des solutions pour traiter ces sentiments pourraient nécessiter d’écrire un livre complet, donc je ne peux pas en faire le tour ici, mais sachez que si vous n’êtes pas en bonne santé émotionnelle, les dépendances sont beaucoup plus susceptibles de résister à vos efforts  et votre risque de rechuter pourrait augmenter. Faites donc de votre santé émotionnelle une priorité. Le sommeil et le soutien, ainsi que des mécanismes d’adaptation plus sains, sont de bons débuts sur lesquels s’appuyer.

Pourquoi est-ce que ça fonctionne : en augmentant votre niveau de bien-être au quotidien, vous allez être plus fort et vous serez mieux à même de gérer vos envies.

Se donner un plan pour passer à l’action

En ayant tout ce qui précède à l’esprit, voici un plan que vous pourriez commencer à mettre en œuvre…

Chaque semaine, choisir un ou deux pratiques dans la liste qui suit et concentrez-vous sur cela :

    1. Mieux dormir. Voir les conseils dans la section plus haut.
    2. Obtenir de l’aide. Encore une fois : amis, groupes de soutien locaux et/ou en ligne, aide professionnelle.
    3. S’entrainer à « surfer sur les pulsions ». Vous n’avez pas besoin d’être parfait pour cela, il suffit juste de pratiquer.
    4. Commencer à changer votre environnement. Jeter les trucs qui vous tentent ou bloquer les sites qui vous titillent.
    5. Commencer à travailler sur votre santé émotionnelle. Avoir une pratique de gratitude est un bon début pour de nombreuses personnes, bien qu’une aide professionnelle puisse être recommandée pour certains.
    6. Choisir une autre stratégie d’adaptation pour faire face au stress : la respiration profonde, le yoga, la méditation, faire une promenade, parler à quelqu’un d’autre, un thé chaud, l’automassage sont mes favoris. En essayer quelques un.
    7. Trouver vos points faibles et modifier votre environnement ou créer une stratégie autour de cet environnement. Par exemple, pouvez-vous vous retirer de l’environnement ou solliciter l’aide des autres pour vous empêcher de céder à la tentation ?

Encore une fois, n’essayez pas de faire tout cela en même temps… choisissez un ou deux éléments chaque semaine et travaillez dessus, puis un ou deux autres la semaine suivante, et ainsi de suite. Enfin, reprenez les pratiques qui nécessitent plus d’expériences ou davantage d’ajustements.

Considérez cela comme un exercice d’apprentissage, où vous n’abandonnerez pas simplement une habitude du jour au lendemain, mais où vous améliorerez de plus en plus votre façon de réagir à vos désirs et à votre dépendance au fil du temps.

Je vais vous confier quelque chose, que j’ai tiré de ma propre expérience : c’est tout-à-fait possible ! Si vous saviez combien de dommages cela vous cause à vous et à vos relations, à votre travail, etc., alors vous vous efforceriez d’arrêter de vous blesser de cette façon. Et c’est réellement un geste d’amour à votre égard.

« Je vis dans un univers de possibilités. » — Emily Dickinson

[ NdT : Mindfully Coping with Urges & Addictions, l’article original en anglais par Leo Babauta, a été publié le 22 janvier 2018 sur http://zenhabits.net/ ; la traduction française est de Claude Séguin qui l’a aussi légèrement adapté. ]

[ NdT : Et d’autres lectures stimulantes sur le même sujet

4 réponses sur “Faire face aux fortes envies et aux dépendances”

    1. Re. Complément d’appréciation :

      Les 14 besoins fondamentaux de Virginia Henderson :

      Besoin de respirer
      Besoin de boire et manger
      Éliminer
      Se mouvoir et maintenir une bonne posture
      Dormir et se reposer
      Se vêtir et se dévêtir
      Maintenir sa température
      Être propre, protéger ses téguments
      Éviter les dangers
      Communiquer
      Pratiquer sa religion et agir selon ses croyances et ses valeurs
      S’occuper en vue de se réaliser
      Besoin de se récréer, se divertir
      Besoin d’apprendre

      La Pyramide de Maslow :

      Besoin d’accomplissement de soi

      Besoins d’estime (confiance et respect de soi, reconnaissance et appréciation des autres)

      Besoins d’appartenance et d’amour
      (affection des autres)

      Besoins de sécurité
      (environnement stable et prévisible, sans anxiété ni crise)

      Besoins physiologiques
      (respiration, faim, soif, sexualité, sommeil, élimination)

      Pyramide des besoins

      Bien à vous;

  1. Merci Jacques pour ce précieux commentaire.

    Je connaissais la pyramide des besoins de Maslow, mais pas Les 14 besoins fondamentaux de Virginia Henderson.

    J’ai vite compris qu’il y aurait lieu de faire un article sur nos besoins… et le fric.

    1. Bonsoir Claude et membres lecteurs

      …Modifier notre environnement : Ne pas nourrir la bête ni la bêtise en moi. Penser, méditer, prier tout en agissant au bon moment et au bon endroit. S’engager dans l’art du disciple, s’investir dans une saine discipline.

      Nos façons de faire face : En prenant soin de remplacer l’habitude malsaine par une habitude plus saine en relation avec autrui. Partager un acte de reconstruction par l’entraide ou par une forte occupation demandant de l’intérêt suivi par de la concentration. Combler le vide

      Augmenter notre niveau de bien être au quotidien en ayant recours à un bon sommeil, à du soutien et à une meilleure santé émotionnelle :

      Voici où j’en suis dans mon cheminement dont je me plie aux exigences du moment présent. Je me repose en des petites siestes. Les spy ont depuis longtemps jeté l’éponge me concernant ; je dors une heure à la fois depuis mon enfance. M’imposer des médocs m’a toujours rebuté, alors j’opte pour demeurer à l’écoute de mes besoins fondamentaux et je me laisse guider par des gens certes compétents (médical, entre autres) mais en accord avec mon intériorité. Bien me nourrir, faire de l’exercice, partager, me confier, échanger avec d’autres ce qui me tient à cœur et enfin, me reposer quand le corps et l’esprit d’un commun accord, le décident…

      Se donner un plan pour passer à l’action.

      Ce que je défini comme l’art du disciple, cette discipline longtemps réprimée, me redonne maintenant et depuis une bonne trentaine d’années, confiance, sérénité, force et plus de sagesse à redécouvrir, voire redéfinir mon cheminement au quotidien.

      Conclusion : En effet l’adage cité : « Je vis dans un univers de possibilités. » me parait l’ultime voie à toutes réalisations – Il me faut donc croire et agir en conséquence honnêtement, et le plus humblement possible, arriver à m’orienter vers mes objectifs, « Un seul jour de foi à la fois »

      Bien à vous,

      Bonne semaine,

      Jacques Geai (G)

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